Lors de sa rencontre avec Moïse sur la montagne du Sinaï, l’Eternel lui dit : « Ils [les Hébreux] me feront un sanctuaire, et je demeurerai au milieu d’eux. »
Comment concevoir que le Très-Haut, le Dieu saint, «que les cieux ne peuvent contenir», ait envisagé de venir habiter dans le camp des Israélites, de planter sa tente parmi leurs tentes, de s’associera leur sort dans un désert aride, et de les suivre dans leurs pérégrinations jusqu’au pays de Canaan ?
Assurément, l’Eternel ne s’est pas révélé aux Hébreux comme un Dieu lointain, inaccessible, « dont la demeure n’est pas parmi les êtres charnels » (Daniel 2:11), mais bien comme un Dieu qui se laisse approcher, qui se tient près de son peuple, en permanence. Puisqu’il était leur Dieu, il voulait résider au milieu d’eux. Et cet amour que le Seigneur témoignait envers Israël n’était pas motivé par les qualités propres à ce peuple. Car celui-ci était ingrat, insensible et pervers. Depuis qu’ils avaient quitté l’Egypte, les Hébreux n’avaient cessé de murmurer contre Dieu, et à l’heure même où, sur la montagne. L’Eternel proposait à Moïse de venir habiter parmi eux dans la plaine, ils étaient occupés à se faire un veau d’or.
Pourtant, quelques jours auparavant, ils avaient scellé une alliance solennelle avec Dieu, promettant de lui obéir. Ils avaient frémi de tout leur être lorsque sa voix, majestueuse et terrible, avait retenti, du haut de la montagne, proclamant les dix commandements. Leurs oreilles avaient entendu distinctement ces paroles pleines de gravité :« Je suis l’Eternel, ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte … Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face. Tu ne te feras pas de statue, ni de représentation quelconque de ce qui est en bas sur la terre… « (Exode 20 : 2-4.)
Et voilà que, si peu de temps après, ils violaient leurs engagements en se livrant à l’idolâtrie. Tandis qu’ils dansaient autour du veau d’or, en proie à une sorte de frénésie, ils s’écriaient : « Voici tes dieu je, Israël, ceux qui t’ont fait monter du pays d’Egypte. » (Exode 32 : 8. T.O.B.)
Est-ce à dire que Dieu admettait sans sourciller leur infidélité ? Nullement : « L’Eternel dit à Moïse : Je vois que ce peuple est un peuple à la nuque raide. … Ma colère va s’enflammer contre eux, et je les exterminerai. » (Exode 32 : 9, 10.)
Mais selon un paradoxe fréquent dans l’Ecriture, nous voyons d’une part le peuple se détourner de Dieu, et d’autre part l’Eternel proposer d’établir son sanctuaire au milieu d’Israël, l’invitant ainsi à entrer en contact étroit avec lui. En fait, à la lumière du Calvaire, ce paradoxe s’éclaire ; le Christ n’est-il pas venu spécialement pour sauver des pécheurs, ne s’est-il pas offert en sacrifice tandis que les habitants de la terre vivaient encore dans le péché ? » Mais en ceci. Dieu prouve son amour envers nous : lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous. » (Romains 5 : 3.)
Qu’un Dieu sauveur veuille venir habiter et vivre parmi des hommes souillés par le péché est sans doute l’une des premières leçons que nous enseigne l’existence d’un sanctuaire au sein du peuple d’Israël.
«Ainsi, écrit Ellen White, le Christ dressa son tabernacle au milieu du campement humain. Il planta sa tente à côté de celles des hommes, afin de demeurer parmi nous, et de nous familiariser avec son divin caractère et sa vie. La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité…”» —
Au moyen du sanctuaire. Dieu illustrait admirablement le nom de son Fils appelé « Emmanuel, ce qui se traduit Dieu avec nous ». (Matthieu 1 : 23 ; cf. Jean 1:14.)
Le prix du pardon
Toutefois, le sanctuaire ne représentait pas seulement le Sauveur appelé à vivre au sein de l’humanité, mais aussi le Christ disposé à mourir pour les pécheurs. Le sanctuaire n’était pas seulement un palais de gloire, mais un lieu de sacrifice.
L’immolation des animaux avait pour but d’inculquer aux Israélites une notion très importante : le péché pouvait être pardonné à la seule condition que le sang d’un substitut innocent soit versé. «Sans effusion de sang, il n’y a pas de pardon. » (Hébreux 9 : 22.)
« Car c’est par la vie que le sang fait l’expiation. » (Lévitique 17: 11.) En Israël, les sacrifices sanglants étaient offerts suivant différentes formules. Quoi qu’il en soit, ces sacrifices évoquent à leur manière la présence de Dieu siégeant dans son sanctuaire, avec l’offrande du sang s’interposant entre sa loi sainte et les enfants d’Israël. Ceci indique que le salut de l’homme ne pouvait être acquis qu’au prix du sang du Fils de Dieu, innocent, sans tache.
Avons-nous jamais réfléchi à la somme que représentaient les sacrifices offerts par le peuple d’Israël ? D’après les livres du Lévitique et des Nombres, il n’y avait pas moins de cinquante sortes de sacrifices (voir S.D.A. Bible Dictionary, p. 939-943). Certains devaient se répéter de nombreuses fois chaque jour. Constamment des croyants venaient apporter leurs sacrifices pour le péché, leurs sacrifices de culpabilité ou leurs sacrifices de communion. En outre, chaque jour, matin et soir, des holocaustes étaient offerts sur l’autel principal. Or, chaque sacrifice coûtait la vie à une victime innocente. Quelle valeur vénale, quelle somme considérable de vie représentent ces multiples sacrifices offerts dans le sanctuaire tout au long des siècles de l’histoire d’Israël ! Sans parler de la valeur des dîmes et des offrandes en nature apportées aux prêtres pour l’exercice de leur ministère. Tout ceci équivalait à environ un quart du revenu national. (Voir Patriarches et prophètes, p. 513.) Le temps et les forces des hommes de la tribu de Lévi étaient entièrement consacrés aux divers sacrifices et cérémonies du sanctuaire.
Deux types de sacrifice
Mais la valeur globale de toutes ces offrandes est largement éclipsée au regard du sacrifice du véritable Agneau de Dieu. Aussi impressionnantes soient-elles, toutes ces offrandes rituelles présentées dans le sanctuaire ne pouvaient symboliser parfaitement le sacrifice du Christ. Lorsqu’ils étaient conduits à l’autel pour y être immolés, les animaux n’avaient pas une notion précise du sort qui leur était réservé, tandis que dès le jour où le péché s’est introduit dans l’humanité, Jésus, « l’Agneau immolé dès la fondation du monde “(Apocalypse 13 : 8), s’est avancé en pleine lucidité vers le Calvaire.
Depuis la chute d’Adam, le Sauveur s’est efforcé de réorienter le cœur des hommes vers Dieu et de rétablir leurs relations avec lui. Malgré l’incrédulité profonde d’une grande partie de la race humaine, il n’a cessé de lui témoigner sa sollicitude. Quand il conduisit les enfants d’Israël hors d’Egypte, il demeura constamment avec eux, supportant leur incrédulité, leurs révoltes, et prenant part à leurs inquiétudes. Le Christ était ce «rocher spirituel qui les suivait»(1 Corinthiens 10:4). «Dans toutes leurs détresses, ce n’est pas un délégué ni un messager, c’est lui en personne qui les sauva; dans son amour et sa compassion, c’est lui-même qui les racheta. Il les souleva, il les porta tous les jours d’autrefois. » (Esaïe 63 : 9, T.O.B,} Plus tard, il devait naître au sein de la famille humaine afin d’assumer notre nature pour toujours (voir Messages choisis, vol. 1,p. 302), Bethléem signifiait qu’il n’était pas seulement un avec nous, mais l’un de nous. Qui peut prétendre mesurer la grandeur qu’un tel sacrifice représentait pour le Fils de Dieu ?
Avant assumé la condition humaine, il éprouva dans son être les souffrances de l’humanité. Il connut celles inhérentes à la pauvreté, au labeur quotidien, sans oublier les blessures morales qui affligent l’esprit et le cœur. Habiter dans un monde de péché était une torture pour son âme. Mais abandonner le pécheur à son triste sort était plus que Jésus ne pouvait supporter. Aussi, quand l’heure fut venue, il offrit son propre sacrifice sur l’autel : il donna sa vie pour le salut de l’humanité perdue.
Prêtre et victime
Mais le sanctuaire symbolisait plus que la vie du Christ parmi les hommes et son sacrifice pour leur rédemption. Outre les offrandes, les services du sanctuaire comportaient un ministère d’intercession, un sacerdoce. Le prêtre prenait le sang de la victime, et avec ce sang, il faisait l’expiation exigée par la culpabilité du transgresseur. C’est ainsi que le pécheur était libéré de sa dette et pouvait s’en retourner chez lui gracié. Le Christ est à la fois notre souverain sacrificateur et notre victime. Il représente la famille humaine dans le sanctuaire céleste, dont le sanctuaire terrestre n’était que l’image ; son sacerdoce nous est aussi nécessaire que son sacrifice. Bien qu’il soit mort pour nous, « si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés…» (1 Corinthiens 15: 17.) «L’intercession du Sauveur en faveur de l’homme dans le sanctuaire céleste est tout aussi importante dans le plan du salut que sa mort sur la croix. Depuis sa résurrection, Jésus achève dans le ciel l’œuvre commencée par lui sur la croix. » —
De même que le souverain sacrificateur jouait un rôle primordial dans la vie et dans le culte d’Israël, de même le Christ, notre grand prêtre, doit être au centre de notre vie et de notre culte. C’est lui qui intercède pour nous en sa qualité d’Avocat dans le sanctuaire céleste. Pas plus que les Israélites ne pouvaient pénétrer dans le sanctuaire terrestre, nous ne pouvons avoir accès au sanctuaire céleste ; mais nous pouvons nous approcher du trône de la grâce divine par l’intermédiaire de Jésus-Christ, le Juste, qui présente en son nom toutes nos requêtes. En retour, toutes les bénédictions divines sont répandues sur nous par l’entremise de notre Rédempteur. Grâce è lui, nous obtenons le pardon et la purification de nos péchés et une position de juste en vue du jugement final. Par lut, nous bénéficions aussi du secours indispensable en cas de besoin, de l’énergie nécessaire pour résister à la tentation et pour accomplir sa volonté.
Notre souverain sacrificateur peut sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Dieu par lui, il peut nous préserver de toute chute et nous présenter irrépréhensibles devant le trône du Très-Haut. Avec quelle intensité ne doit-il pas désirer que nous lui abandonnions complètement notre être, que nous confessions et délaissions nos péchés, afin que nous vivions une vie qui lui soit totalement consacrée !
Pour que nous entretenions avec Dieu des relations normales, il faut nous souvenir que le sanctuaire était destiné aux croyants — à un peuple racheté, à des membres d’église. Le pardon des péchés et la médiation qui s’ensuivait ne concernaient pas seulement l’Israël nouvellement racheté au Sinaï, mais Israël durant son long cheminement jusqu’à la Terre promise et au-delà.
Jour après jour, matin et soir, les holocaustes étaient offerts sur le grand autel d’airain. Mais l’Israélite ne pouvait continuer è vivre dans l’insouciance en se répétant : «Je suis à couvert; c’est tout ce dont j’ai besoin ! » Il ne pouvait obtenir le pardon de ses péchés que s’il confessait personnellement ses fautes, et s’il s’appropriait par la foi le sacrifice offert.
Nous aussi nous devons nous approprier individuellement la vertu expiatoire du sang de Jésus-Christ. -Si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste ». (1 Jean 2 : 1.) Nous devons personnellement demander le pardon de nos fautes par son intermédiaire. «Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice. » (1 Jean 1 : 9.)
Pour pouvoir rester en communion avec Dieu, il nous faut aimer sa loi sainte, reconnaître le caractère profondément pernicieux du péché et être si affligés lorsque nous transgressons l’un de ses commandements que nous allions immédiatement à Jésus-Christ pour être aussitôt pardonne. Le sanctuaire n’avait rien à offrir à ceux qui entendaient vivre au mépris de la loi divine. Quiconque persistait dans ses péchés devait être retranché d’Israël. (Nombre 1 5 : 30, 31.) Mais jusqu’à la dernière heure du jour des Expiations, le sang des sacrifices continuait à couvrir les fautes des pécheurs repentants.
Tout notre mode de vie est illustré par les services du sanctuaire. Les sacrifices pour le péché et les sacrifices de culpabilité permettaient d’obtenir le pardon des fautes commises contre Dieu ou contre ses semblables. Les holocaustes exprimaient notamment l’adoration, la piété et la consécration. Les sacrifices d’action de grâces traduisaient la reconnaissance, la bonne volonté et les relations de bonne intelligence entre les croyants.
Les Israélites fidèles vivaient ainsi dans un climat religieux et social sécurisant. Tout ceci nous offre un exemple de la vie que nous devrions vivre en tant que membres du corps du Christ.
Consécration totale
La signification des services du sanctuaire implique de la part du croyant une consécration totale du cœur. Il serait illusoire d’imaginer qu’un Israélite pouvait se contenter d’assister aux cérémonies rituelles pour être à l’abri du jugement de Dieu. Les enseignements essentiels du sanctuaire sont la consécration du cœur, la religion du cœur et le fait que le croyant était totalement dépendant de la victime sacrificielle et de l’intercession du prêtre. L’Israélite fidèle devait s’appuyer de tout son poids sur Dieu. Le sanctuaire n’avait pas seulement pour but de procurer aux pécheurs repentants la justification, mais de l’engager à vivre une vie de sanctification : « Vous serez saints, car je suis saint, moi, l’Eternel, votre Dieu. » (Lévitique 19:2.) « Maintenant, Israël, que demande de toi l’Eternel, ton Dieu, si ce n’est que tu craignes l’Eternel, ton Dieu, afin de marcher dans toutes ses voies, d’aimer et de servir l’Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme ? »(Deutéronome 10 :12.) «Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Eternel.» (Lévitique 19 : 18.)
Ce que Dieu désirait par-dessus tout, c’était le cœur des enfants d’Israël. Mais combien souvent le Seigneur ne fut-il pas attristé devant la dureté, la malignité de leurs cœurs ! Au grand jour des Expiations, qui préfigurait le jour du jugement (celui où le sort de chacun doit être décidé : la vie ou la mort), la décision ne dépendait ni du nombre de rites qui avaient été accomplis, ni du nombre de sacrifices offerts, mais de la sincérité avec laquelle les croyants avaient examiné leurs consciences et de leur loyauté envers Dieu. « L’Eternel parla à Moïse et dit : Le 10 de ce septième mois, ce sera le jour des expiations, vous aurez une sainte convocation, vous humilierez vos âmes et vous offrirez des sacrifices consumés par le feu. … Toute personne qui ne s’humiliera pas ce jour-là sera retranchée de son peuple. » (Lévitique 23 : 26, 27, 29.}
Vos cœurs sont-ils loyaux devant Dieu ? Vous confiez-vous jour après jour dans le sang précieux qui fut versé sur l’autel du Calvaire? Avez-vous donné votre vie à Jésus-Christ, notre souverain sacrificateur ? Avez-vous consacré votre cœur à son service 7
Nous voici bientôt arrivés au terme de notre long cheminement vers la Canaan céleste. Si nous marchons en suivant la lumière salvatrice qui émane du sanctuaire, l’Eternel peut nous permettre de traverser le désert du péché et nous conduire jusque dans le pays promis, là où Dieu habitera avec l’humanité rachetée jusque dans l’éternité. Puissions-nous être de ceux dont il est dit : « II habitera avec eux, ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. » (Apocalypse 21 : 3.)
Pasteur A. Duffy
Extrait d’une Revue
Adventiste de 1980